La papesse de la mode Française
- Melancolia Magazine
- 4 mars 2020
- 6 min de lecture
Rédactrice en chef, styliste et parfumeur, Carine Roitfeld s’est imposée dans le monde de la mode au risque de créer la controverse. À l’initiative du porno-chic, elle a su imposer ses idées, bousculant les codes conventionnels du luxe et de la mode.
Née à Paris dans le quartier bourgeois de Passy un 19 septembre 1954, Carine Roitfeld grandit auprès de sa famille. Son père, Jacques Roitfeld est producteur de cinéma d’origine russe. Sa mère, Nicola Roitfeld est mère au foyer. Carine Roitfleld passe son enfance dans un cadre familial aimant, entourée de ses parents, son frère ainsi que de sa grand-mère. Un cadre de vie très confortable voire bourgeois. Son enfance se déroule sans ennuis dans le XVI ème arrondissement de la capitale. Proche de sa grand-mère, elle la retrouve chaque jour autour d’un jus d’orange et des toasts aux caviars. Une relation proche qui lui tenait à coeur. Bien que son père représente son modèle parfait qu’elle vénère, celui-ci n’a pas toujours été présent auprès d’elle, beaucoup trop occupé par son métier. Rien ne la destine à travailler et s’engager dans le monde de la mode. Sa famille maternelle étant dirigée vers les métiers d’écriture. Son grand-père, Pierre Bénard, est journaliste et rédacteur en chef pour le « Canard enchaîné » dans les années 1930/1940. Lors de la création de «Elle» par Hélène Lazaref, la mère de Carine Roitfeld y travaille en tant que journaliste avant de rencontrer son mari, père de Carine, sur le tournage du «Comte de Monte-Cristo».
Toujours vêtue d’une jupe crayon et de chaussures à talons Carine est une petite fille qui prend soin d’elle et attache peu d’importance aux modes et aux tendances du moment. À l’âge de seize, elle quitte les bancs de l’école, préférant s’amuser et profiter de sa jeunesse avant d’être repérée dans la rue par le photographe Tony Kent. C’est alors que la carrière de Carine Roitfeld commence dans le milieu de la mode. Ses débuts se font en tant que mannequin. À l’âge de dix-huit ans, ses différents shooting l’amènent à paraitre dans le magazine de mode anglais Look Now. Un premier contrat qui lui permet de décrocher un poste de styliste dans le magazine Elle. Mère d’une petite fille nommée Julia, Carine Roitfled s’associe avec le photographe Mario Testino lors du shooting de sa fille pour le magazine italien Vogue Enfant. Elle réalise en 1986 avec l’aide de Mario Testino , tous deux devenus inséparables, de nombreuses photographies et publicités pour les célèbres Vogue américain et français ainsi que pour Glamour. De Tom Ford pour Gucci ou encore Yves Saint Laurent, Carine Roitfled devient la consultante et l’associée des plus grands créateurs du moment, imposant peu à peu sa place dans le monde très serré de la mode. Sa carrière est véritablement lancée. En 2001, Carine Roitfeld change quelque peu d’orientation et se lance dans la presse de mode. Elle entre chez Vogue Paris en tant que rédactrice en chef. Remplaçant Joan Juliet Buck, son arrivée n’est pas très bien vu par les lecteurs et consommateurs au vu de sa réputation mais aussi de l’ancienneté de Joan Juliet Buck au sein du magazine. Une arrivée surprenante qui ne tarda pas à se faire remarquer. Carine Roitfeld se forge une image d’une personne franche affirmée et pointue dans le monde de la mode. C’est à partir de là qu’elle commence à imposer ses idées et à révolutionner les codes de l’élégance bourgeoise mise en oeuvre par le magazine à cette époque. C’est l’ère du porno-chic. Une tendance pour laquelle Carine Roitfeld joue un rôle fondamental en permettant à celle-ci de s’expandre dans le monde entier. Selon elle, le porno-chic amène à la réflexion entre le masculin et le féminin. La tendance qu’elle appelle aussi «érotico chic» s’articule autour de la sensualité et l’envie. Une pensée, un état d’esprit mais aussi une action de la vie de tous les jours, tout comme le fait de se vêtir de lingerie le matin. Un premier geste de féminité et de sensualité qui excite.
Les campagnes porno-chic sont le reflet d’un scénario de film où le mannequin interprète le personnage. Un mannequin aux poses provocantes à la limite du vulgaire est diffusé dans Vogue. La vague de porno chic est lancée ! Les maisons de luxe s’imprègnent de cette tendance et l’emploie en tant que moyen de communication avec des publicités toujours plus osées afin de choquer et interpeller la clientèle.
Cette tendance aura permis au magazine Vogue d’accroître ses ventes de vingt-cinq pourcents. Carine Roitfeld, nommée CR dans le milieu, devient alors une icône citée comme étant l’une des cent personnalités les plus influentes dans le monde de la mode selon Time magazine.
Ornée de bijoux, maquillée et talons aux pieds, la rédactrice en chef réalise un dernier shooting avec à l’honneur des fillettes à la moue boudeuse et à la pose sexy. Les petites filles s’affirment comme de vraies femmes dans le numéro spécial enfants nommé «Cadeaux». Un scandale de trop qui conduit Carine Roitfeld à quitter la direction de rédaction du magazine Vogue en décembre 2011.
À l’âge de 57 ans, l’incontournable CR sort son premier livre du nom de Irreverent, un ouvrage mêlant photos personnelles et clichés emblématiques de sa carrière. Une carrière riche qui sera plus tard mise à l’honneur dans un reportage de Fabien Constant, «Mademoiselle C». Un reportage dont le sujet principal révèle aux téléspectateurs le nouveau projet de l’ex-rédactrice en chef du magazine Vogue à l’instar du film «Septembre issue». Réalisé par R.J. Cutier, ce film révèle les coulisses de la réalisation du magazine de septembre de Vogue, dirigé par Anna Wintour. Deux personnalités dans le monde de la mode assimilées mais pourtant opposées. Pour avoir travaillé plusieurs fois avec elle, Carine Roitfeld décrit Anna wintour comme étant très intelligente, très politique, et ayant un fort pouvoir. Elles ont toutes deux une approche très différente de la mode et du business.
Une vision de la mode que Carine Roitfeld a mise en avant dans son propre magazine bi-annuel, CR Fashion Book. Derrière ce titre plutôt narcissique, composé des initiales de la papesse de la mode, se cache un magazine publié en anglais qui traite des sujets variés sur la mode, l’art et la culture. Un magazine pour s’évader, rêver et quitter son quotidien trop terre à terre. Un magazine dans lequel elle se dit «go-between» entre le podium et les lectrices. Elle montre aux femmes comment porter des créations parfois importables qu’elles découvrent dans les journaux, sur les podiums ou sur Internet. Riche de ses publications et de ses collaborations, le magazine entre en contact avec des grands noms de la mode mais aussi avec des personnes encore inconnues, issues de nationalité diversifiée et de parcours différents.
Toujours active et en quête de nouveauté, Carine Roitfeld ne cesse d’élargir son univers à travers trois collections capsule. Elle collabore avec Uniqlo, sur une gamme de maquillage pour la marque de cosmétique MAC et sur les collections du célèbre créateur Karl Lagerfeld. En collaboration avec celui-ci, elle aide à la préparation d’une exposition et écrit notamment un livre de deux tomes sur la petite veste noire mettant en scène une centaine de personnalités habillées de ce classique de Chanel. Une collaboration donnant naissance à une véritable amitié. «Karl a été mon protecteur. Quand j’ai quitté la rédaction en chef de Vogue, j’étais un peu perdue. J’avais l’impression de ne plus compter beaucoup dans la société. Il m’a recueillie.». Dès leur première rencontre dans le bureau de Karl, leur entente fut immédiate.
Plus récemment, Carine Roitfeld a lancé la création d’une ligne de parfums, intitulée Sept Lovers, «destinée uniquement à ceux qui osent être désirés». Une collection qui s’inscrit dans une lignée quand on sait que Mme Roitfeld se parfume avec l’une de ses propres créations, l’alliance entre la fragrance Opium d’Yves Saint Laurent et la Fleurs d’Oranger de Serge Lutens. Une composition puissante, informant ses collaborateurs de sa présence. Mais une simple fragrance ne lui suffit pas. Elle créer une impresionnante collection de sept parfums. «Je me suis inventée sept lovers que j’aurais laissés dans sept villes, comme un marin qui laisse une conquête dans chaque port.». Il y a Aurélien à Paris, un absolu de fleur d’oranger et ses notes fleurs d'aubépine ainsi que Vladimir à Saint-Pétersbourg avec son absolu d’iris et ses notes d’osmanthus. On retrouve Sebastian à Buenos Aires ainsi que George à Londres, Lawrence à Dubai et son absolu de jasmin… Si chacune de ses créations porte un prénom d’homme, elles ne sont pas réservées à la gent masculine. Certains hommes adorent porter des parfums féminins, et inversement. Des compositions en collaboration avec trois parfumeurs français pour des notes racées et twistées comme ses looks mode.
Aujourd’hui, Carine Roitfeld retrouve sa vraie vie de femme, mère et maintenant grand-mère auprès de sa petite fille, Romy. Épanouie dans son nouveau rôle, elle porte une toute nouvelle couronne, tournant la page sur une carrière riche de ses nombreuses expériences. Après avoir bousculé les codes de la mode Carine Roitfeld se retire, laissant d’elle l’image de la papesse de la mode. La marque Carine Roitfeld est un héritage pour Julia Restoing Roitfeld, sa fille, mannequin et créatrice et son fils, Vladimir, photographe. L'histoire est loin d'être finie.
Portrait réalisé par Laurine Roussel.
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