Dans l’intimité de la mode
- Melancolia Magazine
- 4 mars 2020
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 8 mars 2020
Le porno-chic apparaît au début des années 2000 en référence à l’usage de la pornographie dans le monde de la mode et de la communication. Un réel tournant pour le monde de la mode, où érotisme et sensualité sont mis en oeuvre, mettant ainsi de côté les tabous de la société.
Le porno-chic bouscule le monde de la mode et du luxe, mettant ainsi de coté les codes conventionnels établis jusqu’alors. Un décalage brutal, toutefois bénéfique pour les maisons jugées auparavant comme trop réservées et averties. Tout d’abord apparu dans les années 1970, ce phénomène est relayé dans les films pornographiques tels que «Deep throat» réalisé en 1972. Il s’agit du premier film pornographique à scénario. Un succès public qui lance l’ère du porno-chic. Les maisons de luxe s’en emparent et principalement la maison Rykiel. À la tête de la direction artistique se trouve Nathalie Rykiel, fille de la fameuse créatrice de mode, Sonia Rykiel. Présente depuis 1995, c’est en 2002 qu’elle crée son extension de marque du nom de Rykiel Woman associant deux concepts en une unique boutique. Étonnant voire surprenant, pour la première fois la mode côtoie des objets érotiques. Une pensée formulée par la créatrice, «Nous faisons de l'art appliqué, qui consiste à faire se rencontrer une intuition, un travail et l'émergence d'un désir. Les femmes aujourd'hui ont conquis une certaine autonomie vis-à-vis de leur sexualité et de l'érotisme. Nous avons ainsi créé un univers qui n'existait pas, qui mêle la sensualité des étoffes et des matières et des objets érotiques. Ce sont des "sex toy". J'insiste sur ce terme car il s'agit bel et bien de jeux». Présentés de manière plus chic et raffinée, les produits mis en vente sont sélectionnés selon trois critères, l’esthétique, l’humour et la performance, dans une boutique s’élevant sur trois étages. Le sous-sol, exposant les sex-toys, est bien entendu interdit aux personnes mineures. Un endroit convoité par les couples et dont les chiffres nous montre le succès de ce nouveau concept.
Nathalie Rykiel serait-elle à l’initiative de la tendance du porno-chic ? Un avis très partagé dont elle se défend car selon elle, le porno-chic impose une image vulgaire à la différence de son merchandising qui se caractérise par l’absence d’ostentation de brutalité et d’exhibition. Ce qui est sûr, c’est que la journaliste Carine Roitfeld a bel et bien permis la diffusion de ce mouvement du porno-chic.
Cette exhibition habillent notamment les campagnes publicitaires des marques. Une nouvelle stratégie marketing des maisons afin de moderniser leur statut mais aussi pour conquérir un nouveau marché. L’une des premières campagnes est une photographie de Jeanloup Sieff pour la promotion de ma première eau de toilette «Pour Homme» de la maison Saint Laurent. Sur cette photographie, on apperçoit le jeune créateur Yves Saint Laurent complètement nu. Une provocation qui, plus tard, lui inspire un nouveau parfum du nom de «Scandale».
De nombreuses publicités émergent après le lancement du porno-chic notamment auprès de Gucci et Tom Ford mais également de Dior lors de la promotion de sa fragrance Dior Addict. Leur stratégie vise le «shockvertising», où l’objectif est de choquer la clientèle pour l’attirer. Utilisé par John Galliano ou encore Tom Ford auprès de la maison italienne Gucci, ces créateurs mettent en oeuvre l’hyper-sexualisation des mannequins dans le but de faire parler d’eux. Le porno-chic est mis en avant pour différents types de publicités. On retrouve les publicités égalitaires où l’homme et la femme sont représentés sans domination, et, les publicités discriminantes et agressives dans lesquelles la femme détient souvent le rôle de la femme objet, dominée et victime des hommes. La marque American Apparel va encore plus loin et engage des actrices X pour la promotion de ses collections lingerie. Des femmes avec différentes positions sexuelles, plus ou moins nue ou encore penchées de sorte à ce que leurs vêtements laissent apparaitre leur lingerie. Une campagne publicitaire qui met en scène les fantasmes de certaines personnes.
Le porno-chic s’affranchit et s’exhibe de plus en plus notamment sur les catwalks. Le créateur J.W. Anderson affiche en 2017 lors de défilés de Fashion Week des hommes entièrement nus. Une initiative qu’avait déjà pris Rick Owens en faisant défiler ses modèles sans pantalon, dévoilant notamment leur partie génitale.
Partie intégrante de la pop culture contemporaine, le sexe et la pornographie n’auraient aujourd’hui plus rien de tabou mais ne sont toujours pas pour autant acceptés par tous. La femme passe du statut de ménagère à celui de femme objet. Une révolte pour les féministes qui n’acceptent pas le stéréotype mis en oeuvre par la phrase «soit belle et tais-toi». Le mouvement du porno-chic n’est pas non plus bien perçu dans le monde des réseaux sociaux puisqu’il se voit censuré à plusieurs reprises. Une liberté d’expression, régulée par l’autorité de régulation professionnelle de la publicité avec pour seul objectif, permettre une libre expression sans affecter les consommateurs. Une réforme qui entraine la disparition de nombreuses publicités jusqu’alors sur les plateformes mais également à la télévision.
Que le porno-chic soit encore d’actualité ou non importe peu. L’ érotisme socialement scandaleux est exploité dans une logique d’efficacité publicitaire mis en place dans la communication. Il représente la garantie pour les publicitaires de susciter l’attention des consommateurs. Il s’agit également de cibler un public sensible au « paraître », une tendance très présente dans notre société actuelle. Par la mise en scène des interdits ou des stéréotypes extrêmes, une alternative aux frustrations est proposée par l’expression des fantasmes de la sexualité provocatrice ou violente.
Rédigé par Laurine Roussel.
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